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« A nu » de Marc Saez adapté du film de Sidney Lumet « Strip Search » …Un véritable plaidoyer pour la liberté, une création théâtrale populaire et humaniste ! A ne pas manquer !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

 

Depuis le 5 mars jusqu’au 20 avril :

20e Théâtre :7 rue des Platrières

75020 Paris/ tel : 01.43.66.01.13

  

 

Cette pièce actuellement à l’affiche au 20e Théâtre a été notre coup de cœur au Festival Off Avignon où elle a été créée en 2012 . Elle représente non seulement une vraie prise de risque artistique mais elle est avant tout un efficace porte voix populaire . Marc Saez , l’adaptateur et metteur en scène n’a pas choisi le chemin le plus facile pour défendre le spectacle engagé en France. Tom Fontana à qui on doit l’écriture des séries « Oz » et « Borgia », est aussi le scénariste du film de Sidney Lumet, « Strip Search » dont « A nu « est issue. Il n’a pas hésité à céder les droits de la pièce à ce créateur français tout autant que le réalisateur ou la chaîne HBO qui diffusait le film. Tous ont été vite convaincus face à la persistance et à la volonté montrées par Marc Saez pour la monter chez nous , le film ayant été censuré à sa sortie...

En effet, le hasard-mais existe-t-il ?- a voulu que ce dernier aussi acteur de doublage, voit le film et reçoive alors un véritable choc , qu’il décide alors d’en avoir les droits afin de la réaliser en France avec la propre production de sa petite compagnie « Les Séraphins », soutenue par Véronique Picciotto , sa compagne et aussi une des actrices de la pièce .

 

Le sujet touche en plein cœur tant cette triste affaire de privations de droit civique, de non respect dû à la personne et pour finir de privation totale de liberté pourrait être la nôtre un jour .En effet, en ces temps agités où la nébuleuse terroriste effraie tout état dans le monde et afin de protéger son pays de toute infiltration , tout citoyen sous le coup de la loi mise en place dans ce cadre peut devenir un suspect appartenant à une cellule terroriste voire un sympathisant potentiel : il peut ainsi se trouver du jour au lendemain privé de tous ses droits et emprisonné parfois même sur simple délation . Cela peut faire  frémir dans le dos .

 

L’histoire met en scène dans un jeu presque simultané, deux interrogatoires abusifs de simples citoyens: l’une est américaine et l’autre est un arabe.Les entretiens sont menés par des agents entraînés à cet exercice issus des services secrets :l’un se déroule en Chine et l’autre dans une des celulles de la CIA aux Usa. Deux confrontations terribles, deux méthodes de pressions, d’humiliations et de tortures similaires. Précisons que nous nous situons au lendemain des attentats des Tours du World Trade Center et que les lois en vigueur ont été durcies afin de préserver à tout prix la sécurité de l’Etat et ironie du sort, celle du peuple américain .

Ici, le citoyen se trouve brutalement enlevé, cagoulé, interrogé, privé de tous ses droits civiques, puis il est alors harcelé jusqu’à l’usage de la torture. « A nu » met en exergue la vulnérabilité de chacun face à ce type de situation et montre comment des libertés citoyennes au nom de la mise en place de ces lois de protection citoyenne, les personnes ainsi retenues contre leur gré sont maltraitées et chosifiées .Chacune est maintenue en détention dans des cellules tenues secrètes aux yeux du monde avec la complicité de leurs deux gouvernements, eux-mêmes très au fait de ces affaires d’emprisonnements. Le prisonnier passe alors très vite du statut de « simple interrogé » à celui de terroriste potentiel ou de sympathisant terroriste.

 

Donnons ici un vrai coup de chapeau en saluant la performance sans faille de ces quatre acteurs courageux, généreux et tout simplement formidables qui exposent jusqu’à leur nudité dans un réalisme dramatique à la fois troublant et touchant. Dans le rôle de l’américaine , Véronique Picciotto nous offre toute sa sincérité de femme et cela va plus loin que le seul rôle défendu par l’actrice : la prise d’identification est quasi immédiate. On se dit alors : « Et si c’était nous ? » . Helmi Dridi, acteur d’origine tunisienne joue son personnage avec la même authenticité de jeu tant ce sujet a de sens aussi pour lui .C’est là le propre de l’acteur ,celui d’intégrer un personnage s’exposant jusque dans sa propre vérité intime .

Marc Saez ne s’y est pas trompé et le casting est une véritable réussite. Les comédiens qui jouent les bourreaux sont excellents : eux aussi sont vus comme les victimes d’une hiérarchie qui les dépasse et les aliène .Citons la prestation d’Anatole Thibaut, l’interrogateur chinois, et notons l’arrivée de Pascale Dénizane qui interprète un agent de la CIA plus vrai que nature .

 

La scénographie est bien pensée : sous nos yeux se dressent deux espaces conjoints où se déroulent les deux interrogatoires musclés. La grille lumière et l’ambiance sonore jouent ici un rôle dramatique majeur -citons le travail efficace de Christian Mazubert pour la lumière et JB Saint Pol pour le design sonore-.

De plus, dans cette version parisienne, un nouvel élément vient composer le décor accentuant le propos : en effet, un écran est dressé à un moment donné de la pièce où se projette en ombres chinoises un jeu mettant face à face deux interlocuteurs issus l’un de la presse et l’autre du gouvernement américain. Tout cela nous fait penser à un film d’Hitchcock . Ce type de mise en scène est par ailleurs volontairement vue sous l’angle cinématographique comme nous le confirme son créateur Marc Saez .

 

Plus qu’une création artistique et populaire, « A nu » est un véritable plaidoyer pour la dignité et la liberté du citoyen .A ce titre, ce spectacle est d’une grande portée pédagogique .Nous croisons par ailleurs des adolescents autant que des adultes dans la salle et  la pièce finie, tous entament le débat dans le hall d’accueil échangeant leurs impressions et visiblement encore très touchés par ce qu’ils viennent de voir . La troupe et le metteur en scène se prêtent généreusement à ces questions qui fusent et ces conversations se finissent parfois au restaurant du coin.

 

« A nu » permet une vraie rencontre démocratique ; le public est impliqué et en totale immersion avec ce qui se joue sur le plateau, ce qu’il est rare de voir sur les scènes parisiennes .Encore bravo à Marc Saez et à son équipe pour ce spectacle courageux, original et populaire qui porte à lui seul un vrai message universel , celui du droit au respect de la personne et à la préservation de sa liberté.

 

 

Safia Bouadan

Artiste et sociologue expert au Geobs de L'Unesco.

copyright David Kruger

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