Le jour où j'ai rencontré Franz Liszt" de et avec Pascal Amoyel mis en scène par Christian Fromont au Théâtre du Ranelagh depuis le 2 décembre ...Un récit musical intime d'une beauté inouie qui vous transportera !
Nous avions découvert la dernière création de Pascal Amoyel, "Le pianiste aux 50 doigts " joué avec succès en ce même beau lieu du Théâtre du Ranelagh et portant sur la vie du célèbre pianiste György Cziffra, incarné avec brio et sensibilité par l'artiste, auteur ,acteur et musicien, aussi le disciple et ami de ce dernier .
Aujourd'hui , le grand pianiste nous invite à une nouvelle plongée magique dans la peau d'un autre génie venu de Hongrie, le pianiste et compositeur Franz Liszt , souvent incompris ou rejeté de part ses origines modestes aussi. Il se dit Tzigane lui-même, inspiré par le peuple des Csardes dont il tire ses célèbres Rhapsodies Hongroises . Franz Liszt écrira d'ailleurs en 1859 : " J’ai voulu donner une sorte d’épopée nationale de la musique bohémienne."

Dans cette nouvelle pièce musicale sans quitter le lien sacré qui l'unit à György Cziffra- le professeur de ce dernier avait été l'élève de Liszt -l'artiste et conteur Pascal Amoyel se transforme sous nos yeux en un magicien , profession qu'il aurait épousée si la musique ne l'avait appelée à son tour .
Quelle merveilleuse découverte que ce retour à la vie artistique et tumultueuse de Franz Liszt, pleine de richesse et d'humanité. C'est tout petit encore sous la houlette sévère de son père hongrois d'origine modeste que ce petit garçon Franz devint vite un vrai phénomène qui le voua dès ses sept ans à jouer pour satisfaire les cours aristocratiques d'Europe -et de Navarre- .
Quelle curieuse destinée le conduit ainsi à vivre le succès de façon précoce , le rejet aussi comme celui du directeur de conservatoire Cherubini,n'aimant décidément aucun étranger. Il est d'ailleurs un des personnages, tout comme le père de Liszt ou comme son premier maître Czerny -qui lui apprend tout- ou encore comme le génial Beethoven, que Pascal Amoyel incarne sur la scène avec un subtil humour nanti d'une belle et sincère dramatique... Autant de personnages que d'humanités traversées en un bref moment suspendu dans le temps .
Par son brillant jeu pianistique et par la finesse dramatique de ses personnages dont il a le secret , nous sommes ainsi conviés à passer des moments uniques auprès de tous ces génies de la musique d'hier et d'aujourd'hui , passant de Mozart -à qui on compare Franz Liszt - Bach, Beethoven, Chopin ,Czerny, Ravel, ...à ce grand jazz man Oscar Peterson pour la plus grande joie de l'artiste et du public !
Cela démontre s'il est encore nécessaire de le faire , qu'aucune frontière temporelle ou culturelle ne limite l'art et l'humanité lorsque leurs valeurs traversent les siècles par delà l'histoire de nos sociétés .
Franz Liszt , inventeur du récital, fut l'un des plus extraordinaires et prolixes musiciens et compositeurs romantiques de son temps .Tout comme son ami le grand pianiste et compositeur polonais Frédéric Chopin, il s'acharna à trouver à son tour sa "note bleue" passant des heures à l'écouter , à scruter son âme aussi.
On dit qu'il se cachait à l'occasion sous son piano alors que son ami y travaillait . Mais peut-être est ce une belle légende car tous deux étaient et restent encore de nos jours de vrais personnages de roman , visionnaires de leur temps et conscients de la portée éternelle et spirituelle de la musique .
Quel bonheur de voir s'incarner ainsi sous nos yeux ébahis le grand pianiste- compositeur , précurseur de nos musiques actuelles mais aussi et avant tout un homme tourmenté , un mystique , un visionnaire. En effet, l'artiste décidera en pleine période de gloire de se retirer dans un monastère à Rome pour y finir ses jours à composer la musique , celle dictée dans le silence de Dieu dont il tenta sans cesse de se rapprocher ... Mais happé par son propre et indéniable talent , par les têtes couronnées d'Europe et par nombre de femmes passionnées par son art et sa beauté plus que par sa personne, il ne pût unir sa passion divine pour son art avec sa propre quête spirituelle avant d'avoir atteint ses trente cinq ans.


C'est ce qui nous bouleverse et nous ravit aussi dans ce récit : cette forme de délivrance. Rires et larmes s'entremêlent le temps de ce beau moment de communion entre le public et l'artiste , Liszt et le romantisme ,Liszt face à la vie mondaine et mouvementée de son époque, Liszt chez le Tsar de Russie ou encore Liszt et la modernité et pour finir Liszt et la spiritualité ... Ce que l'auteur et artiste Pascal Amoyel sous entend être la "mission de l'artiste" porté par son désir de transmission de son art en harmonie avec les valeurs d'humanité et de spiritualité ...Et c'est bien ce type d'héritage qui traverse toutes les époques et qui fait du bien à l'âme lorsqu'elle est secouée brutalement comme ces dernières semaines par des chocs puissants nous submergeant en tristes rebonds de nos problèmes sociétaux actuels .
Ici que de valeurs humanistes défendues dans cette histoire romanesque écrite et jouée par Pascal Amoyel et mis en scène avec beaucoup d'intelligence par son complice, le metteur en scène Christian Fromont . Ce dernier réussit à mêler l'humour et la tragicomédie à l'italienne à la sensibilité dramatique pure de son artiste qu'il connaît bien.Il lui fait ainsi incarner avec beaucoup de facéties des personnages imaginaires comme ceux issus de notre plus tendre enfance . Rappelons qu'il était par ailleurs son brillant metteur en scène dans son inoubliable spectacle "le pianiste aux 50 doigts ".
Cette pièce est aussi mise en lumière par une grille savante imaginée par Philippe Séon jouant avec les reliefs et les ombres des personnages et habillant le décor épuré autour du piano de magie lumineuse, ce qui contribue à nous faire basculer d'une atmosphère à une autre .
"Le jour où j'ai rencontré Franz Liszt" est un hommage sincère et sensible de Pascal Amoyel à l'âme de cet artiste et virtuose de son temps, révélant ainsi la profonde humanité de son art et de sa vie . Si les rires sont présents dans la salle, les larmes nous sont très souvent montées aux yeux pour finalement se laisser couler dans la douceur du final de ce spectacle d'une humble et profonde beauté et d'une sensibilité extrême.
Merci à vous pour ce beau cadeau qui ramène aux valeurs essentielles et transculturelles de nos fêtes ,en cette période de Noël festive et populaire, comme celles hongroises si chères à Franz Liszt , telles la solidarité , la communion avec l'autre, la joie d'être ensemble , la transmission ...
Ce nouveau spectacle musical de Pascal Amoyel est une belle promesse pour notre culture en devenir, lui même exerce la pédagogie auprès de ses élèves de Conservatoire à Rayonnement Régional -CRR- de Reuil Malmaison .Par ailleurs, l'artiste a été élevé pour ses diverses créations au rang de Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres et distingué à plusieurs reprises pour son engagement vis à vis des droits de l'homme...
Ce seul en scène est à l'affiche pour notre plus grand bonheur au Théâtre du Ranelagh jusqu'en février 2016 ...Au détour de votre propre chemin , laissez vous donc porter et transporter ...
Safia Bouadan

Théâtre du Ranelagh
5 rue des Vignes
Paris 16e
Depuis le 2 décembre à 20h45
Auteur, acteur , pianiste :Pascal Amoyel
Mise en scène : Christian Fromont
Lumière : Philippe Séon
Avec la complicité magique de Sylvain Vip