1/ Tu as reçu le Prix de révélation féminine lors des Trophées de la Comédie Musicale 2018 pour ce rôle plein d'énergie et romanesque de Coco. Que ressens-tu et quels sont tes désirs maintenant ?
Je suis très fière de cette reconnaissance, et surtout très heureuse pour le spectacle et toute notre équipe. Nous avons gagné 5 trophées, dont celui du meilleur spectacle, et c’est un formidable coup de projecteur pour nous et le théâtre de la Huchette. J’espère que cela attisera la curiosité du public qui vient déjà nombreux tous les soirs. Et plus personnellement, j’espère avoir l’occasion de défendre des rôles aussi bien écrit que celui de Coco à l’avenir, j’en serai comblée.

2/ Tu as joué aussi parallèlement cette année dans la magnifique comédie musicale Tom Sawyer de Julien Salvia et Ludovic- Alexandre Vidal mis en scène par David Rozen qui a triomphé aussi avec le prix entre autre du meilleur spectacle jeune public et qui reprend à Mogador à la rentrée ? Comment as tu pu interpréter les deux rôles en terme d'investissement, d'étapes de travail, de personnages qui sont très opposés ?
Tout à fait, j’ai travaillé sur ces deux spectacles en même temps au printemps dernier, jouant 2 voire 3 fois par jour, au théâtre Mogador, et au théâtre de la Huchette. C’est un grand écart à tout point de vue, les rôles, les époques, les théâtres, les équipes… J’ai beaucoup appris sur moi, sur ma capacité de travail, mes limites. C’est une course de fond, il m’a fallut être endurante et très rigoureuse sur mon hygiène de vie, et ma préparation physique. Je vais revivre ce rythme en octobre 2018, à la reprise des deux spectacles, et j’en ai moins peur maintenant, tout en restant ultra vigilante. En termes de préparation de rôle, j’ai commencé par travailler sur celui de Tante Polly (Tom Sawyer) qui demande un grand engagement physique dû aux chorégraphies très intenses de Johan Nus, et un engagement vocal tout au long de la pièce. Ce personnage est très ancré dans le sol, elle est terrienne, stricte, très protectrice. En comparaison Coco (Comédiens!) est bien plus aérienne, elle rêve de se réaliser en tant que comédienne, elle rêve de projets différents, elle veut s’émanciper. Le jeu vériste travaillé avec Samuel Sené tient de la conversation, de l’intime, et fonctionne sur des ruptures très précises, des détails subtils, et demande une vigilance permanente. Tout cela est bien différent sur la scène du Mogador, avec micro et plateau 4 fois plus grand! Jouer ces deux rôles le même jour est une expérience très intéressante.

Photo de Phillippe Escalier
3/ Parle-nous de ton parcours ? Comment es-tu arrivée à la comédie musicale ?
J’ai fait mes classes de théâtre au sein de la Cie Maritime, à Montpellier, dirigée par Pierre Castagné, qui a écrit et mis en scène la pièce musicale Les Secrétaires (festival d’Avignon OFF 2012) dans laquelle j’ai joué à ma sortie de l’école. Pièce entièrement chantée, au rythme des bruits de photocopieuses et de touches de clavier d’ordinateur. Cela a marqué mon entrée dans le monde du théâtre musical. Le chant s’est donc vite mêlé au jeu pour moi, et j’ai décidé de travailler ma voix plus profondément en arrivant à Paris, et en suivant les cours de Mme Danièle Dinant, que je suis encore aujourd’hui. J’ai naturellement passé des auditions de spectacles musicaux au gré des opportunités et des rencontres, jusqu’à décrocher ces rôles dans Tom Sawyer et Comédiens ! cette année. Je ne me considère pas cependant comme une « artiste de comédie musicale », mon envie première étant de jouer, et de défendre des rôles intéressants, chantés ou non.
4/ De quelle manière as-tu abordé ce rôle de Coco ? T'es-tu inspirée de figures ou héroïnes féminines et si oui lesquelles ?
Coco me ressemble par bien des aspects, elle a mon âge et mon énergie, je n’ai pas eu à changer complètement ma façon de bouger, ou de parler, mais surtout à m’adapter à l’époque d’après-guerre, l’histoire prenant place en 1948. J’ai surtout regardé des photos d’époque, les coiffures, les positions, les sourires, cette sorte de liesse à la sortie de la guerre. Ce qui me plaît chez elle, c’est que c’est une battante, et qu’elle rêve de quelque chose de plus grand, elle s’en sent capable et c’est une fierté incroyable de jouer une femme forte tous les soirs. C’est une personnalité complexe, elle a des envies d’ailleurs, est folle amoureuse de son mari Pierre, aime séduire… Très différente de l’autre rôle que je joue dans la pièce, celui d’Alphonsine, personnage de vaudeville haut en couleur, qui trompe son mari allègrement, en prétendant tout le contraire. Là, je dois dire que c’est Jacqueline Maillant qui m’a aidée, pour la gouaille, le sens de la rupture incroyable qu’elle avait, le rythme comique toujours impeccable.
5/ Les duos formés avec Guy et Pierre sont très différents, comment avez-vous travaillé avec tes partenaires ?
Les relations et rapports sur le plateau entre nos personnages nous sont venus très naturellement. Les énergies de Pierre, Guy et Coco se complètent parfaitement, tout comme nos énergies à nous, Fabian, Cyril et moi, à croire qu’ils ont bien fait leur casting! Cela vient avant tout de la formidable écriture d’Eric Chantelauze et de Samuel Sené, qui ont équilibré les dialogues et l’histoire de sorte qu’aucun ne prend jamais l’avantage au détriment des autres. L’équilibre parfait si j’ose dire, et quel bonheur pour un comédien de se reposer sur un texte aussi bon. Nous avons commencé par travailler sur le vaudeville (la pièce que jouent les « Comédiens », la pièce dans la pièce), pour l’avoir dans les pattes comme si nous l’avions joué 1000 fois, ce qui nous a rapproché de suite, puis nous avons travaillé sur les scènes Pierre, Guy, Coco bien après, ce qui était très bénéfique car nous nous connaissions mieux et nos rapports étaient plus clairs.

Photo de Philippe Escalier
6/ Si tu devais faire un vœu comme artiste et comme citoyenne, quel serait-il ?
Ce que je souhaite est de pouvoir continuer à travailler longtemps en défendant des rôles aussi intéressants que ceux que je joue en ce moment. De jouer chaque histoire en étant la plus sincère et présente possible. Que nous touchions un public de plus en plus large, de tous âges et de différents degrés de sensibilisation artistique, que les gens osent s’aventurer dans des petites salles pour découvrir des créations originales. C’est fou ce que le théâtre peut procurer aux gens.
Propos recueillis par Safia Bouadan / portrait de Corps et Graph