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Comédiens ! Interview de Fabian Richard


1/ En juin dernier, c'était la consécration par le Prix que tu as reçu d'interprète masculin d'un intense travail d'acteur pour le rôle de Pierre dans Comédiens. Quels messages as-tu envie de transmettre pour tous les interprètes passionnés de ce genre encore en école ou déjà sur les plateaux ?


Oh je ne suis pas certain d’avoir un message à transmettre à mes collègues … Il y a mille façons de faire ce métier, mille raisons de le faire.

Je pense en tout cas que le succès de Comédiens ! auprès du public, des critiques ainsi que ces 5 trophées sont de bonne augure pour le théâtre musical et ceux qui y œuvrent: une petite production musicale, tant qu’elle est bien écrite évidemment, peut trouver sa place dans le paysage théâtral parisien et réconcilier le genre et ceux qui en ont des a priori un peu négatifs.

Ne lâchons rien donc, on est sur la bonne voie.


2/Et vis à vis de ton public féru de ce genre, le Musical et dont beaucoup te suivent depuis Chance, Cabaret ou encore Mistinguett, reine des années folles ?


Je suis heureux de voir qu’effectivement le public est de plus en plus nombreux à nous suivre fidèlement et s’élargit. Chaque année, on sent que le genre gagne en crédibilité et en qualité, grâce à des auteurs doués et à des metteurs en scène sachant mettre en valeur leurs interprètes.


3/Tu as de fait une large palette dramatique et on a pu te voir avant Comédiens dans le formidable spectacle, 31 de Gaétan Borg et Stéphane Laporte mis en scène par Virginie Lemoine. Quels sont les rôles qui te touchent le plus et pourquoi ?


Je pense qu’on porte tous en nous un part de l’humanité toute entière et que tous les rôles sont intéressants si la pièce est bien écrite. Et que dans l’absolu chaque acteur peut tout jouer. Il suffit d’y croire pour que les gens y croient. Les limites sont posées par notre physique, la tête qu’on a, notre emploi. Et notre vécu. À nous d’essayer de repousser ces limites.

J’ai eu la chance qu’on m’offre des rôles apparemment très différents et qui m’ont permis à chaque fois d’explorer des facettes variées de ce que je suis, ou pourrait être.


4/ Comment es-tu venu à la comédie musicale ?


J’y suis venu tôt, enfant et en famille, à l’occasion d’un séjour en club de vacances où l’animateur montait Les Misérables ( la version d’Hossein) avec les vacanciers.

Ce spectacle, la comédie musicale en général est devenu ma madeleine de Proust. Et je pense n’avoir eu de cesse de chercher à revivre ces moments si forts qui m’ont marqués à vie: être sur scène, avec de nombreux partenaires, se raconter des histoires et les partager,, et y vivre des émotions incroyables.



5/Peux-tu nous parler de cette collaboration avec Samuel et tes complices dont Marion Préïté, révélation féminine et le très inattendu dans ce rôle, Cyril Romoli? Avais-tu déjà travaillé avec eux?


Je connais Samuel depuis de nombreuses années. C’est un ami. On avait travaillé ensemble à la présentation de la cérémonie des Marius (l’ancêtre des Trophées de la comédie musicale) 2 années de suite, il y a une dizaine d’années. On avait également joué tous les 2 dans un petit spectacle dans le limousin dans lequel Samuel excellait en tant qu’acteur, comme dans tout ce qu’il fait. Il est brillant, sensible, doué et travailleur. C’est un metteur en scène rêvé, parfait chef de troupe et directeur d’acteur. Et un mec bien. Rare.


Je croise Cyril depuis le début de ma carrière. On s’est beaucoup retrouvé sur les mêmes rôles aux auditions et on a déjà été partenaires dans Chance de Devolder et dans Mistinguett de François Chouquet notamment.

Je connais suffisamment Cyril, sa carrière d’acteur (qu’il a commencée enfant avec Robert Hossein) autant que de chanteur (de ses propres titres aussi) pour ne pas trouver sa prestation dans ce rôle si inattendue, bien que magnifique. Cyril sait tout faire, jouer, chanter et est un excellent pianiste. Son seul défaut serait peut-être les blagues à base de photos d’animaux qui parlent.


Je ne connaissais pas Marion, je l’ai découverte au cours des auditions de Comédiens ! et j’ai immédiatement été conquis par son talent et sa personnalité. Elle aussi sait tout faire, elle est capable de passer du lyrique à la chanson réaliste, du comique le plus outrancier au drame le plus poignant. Elle est incroyable. Une révélation oui, sans aucun doute. Son seul défaut est de rire poliment aux blagues de Cyril à base de photos d’animaux qui parlent.


Marion et Cyril sont des artistes incroyables, des partenaires généreux et de formidables camarades. Samuel, Éric et Raphaël ne pouvaient choisir mieux que ces deux-là pour ces rôles-là.

On a tous les 3 le même niveau d’exigence et la même manière d’aborder notre métier. Autant dire qu’on aime être sur scène ensemble et qu’on se marre bien en coulisse.

Et on a la chance tous les 3 que Samuel, Éric et Raphael nous aient écrits des partitions d’acteur si riches, avec tant de choses à vivre chaque soir et dans des registres si différents.

Photo : Bruno Perroud

photo Bruno Perroud



6/ Comment as-tu approché ce rôle très fort psychologiquement du personnage de Pierre qui nécessite aussi chaque soir une vraie préparation tant il est physique et intense?


Comme les autres rôles. Avec le texte, l’histoire comme base de tout. Et en l’occurrence le texte d’Eric Chantelauze est une mine d’or.

J’ai toujours besoin de comprendre les enjeux, les ressorts dramatiques, le cadre. Je crois que je suis peut être un peu chiant même. :)

On a beaucoup discuté avec Éric et Samuel de l’histoire, des personnages.

La particularité de cette pièce est qu’elle se joue, se raconte sur plusieurs registres, la comédie contemporaine, le vaudeville, le burlesque, la tragédie, avec mille émotions et sentiments différents. J’ai après chaque représentation la sensation d’avoir vécu une vie entière. Et une vie bien remplie.

Sam nous a parfaitement guidé, il est fin, précis, il donne confiance à ses acteurs et sait les amener vers le meilleur de ce qu’ils peuvent faire. Il est brillant cet homme. Je le kiffe.

Ce rôle est un cadeau même si c’est vrai qu’il est exigeant pour le corps. Je suis obligé de m’astreindre à une certaine discipline depuis 6 mois. Je fais 30 min de sport par jour, je me gave de magnésium et autres sels minéraux, je mange des légumes vapeur et je bois des litres et des litres d’eau ! :)

Photo de Philippe Escalier



7/ As-tu des modèles masculins venus du cinéma ou du théâtre ou encore des héros de littérature qui t'ont beaucoup marqué ? Pourquoi ? T'en inspires-tu parfois pour composer tes personnages ?


Adolescent, j’avais une passion pour Jérôme Pradon que j’avais vu dans Les Misérables à Mogador. J’ai eu l’occasion de lui déclarer ma flamme maintes fois puisqu’on s’est ensuite régulièrement retrouvés camarades de scène ou de studio (Chance, doublage du Fantôme de l’Opéra, Titanic).

Mais je n’ai pas vraiment de modèle non. Je crois qu’un acteur doit miser sur sa singularité, ce qui le rend différent des autres. Tout le travail est de trouver qui on est, de s’inspirer de soi le plus possible, et de la vie qui nous entoure.

Après, en tant que public beaucoup d’acteurs me touchent (Marlon Brando, Joaquim Phoenix, Sean Penn, Jean-Paul Belmondo, Fabrice Luchini, Vincent Lindon, il y en a, des bons) et j’imagine qu’inconsciemment je dois m’inspirer de ce que j’ai vus d’eux. En tout cas, quand je relis cette liste (non exhaustive donc) que je viens de faire, il me semble ressortir que ce sont des acteurs sincères, intenses et qui vont loin. Ça me plait bien ça.


8/ Si tu devais faire un vœu comme artiste et comme citoyen, quel serait-il ?


Je trouve compliqué pour un artiste (pour moi en tout cas) de donner son avis sur le monde, je ne suis pas sûr qu’on soit là pour ça. Notre métier, le théâtre a une portée sociale, politique quand il est joué, entendu. Il sert aussi à ça. Tout acte théâtral est un acte citoyen je crois. Et j’ai tendance à croire que le rôle des artistes est de s’engager à travers des oeuvres mais qu’ils (les acteurs en tout cas) devraient s’arrêter là dans l’expression de leurs opinions.

Ce serait donc ça mon voeu: que l’art continue à ouvrir les esprits, en divertissant, en instruisant, en transportant ailleurs. Qu’il continue à lutter et à dénoncer l’intolérance, l’individualisme, l’ostracisme et l’injustice. On ne vit pas un monde idéal, la vie est violente. Que le théâtre continue à l’adoucir et dénoncer ce qui doit l’être.


Propos recueillis par Safia Bouadan


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