Entretien avec l'auteur Eric Wiener
OB/ Bonjour Eric, merci pour cette interview.
Peux-tu nous parler de ton travail passé et de la naissance de ta
création Désordres mise en scène par Mouss Zouheyri ?
Bonjour, j’écris des pièces de théâtre depuis maintenant une
quinzaine d’années. Deux de mes pièces ont été jouées avant
« Désordres » : « Le Moustique » qui a été créée au Passage
vers les étoiles à Paris en 2013 puis repris au festival off
d’Avignon en 2017 ; « Le voyage d’Anna » créé au Théo
Théâtre à Paris en 2015. J’ai moi-même produit ces deux
pièces ainsi que « Désordres », avec l’aide précieuse et
indispensable de ma famille et de mes amis.
OB/ Qu'est -ce qui a nourri ton écriture ? T'es-tu inspiré d'un
contexte historique ou d'une figure de dictature ?
L’idée de cette pièce m’est venue lors du Printemps arabe : en
voyant les images du président Moubarak incarcéré se rendant
à son procès sur un brancard et vêtu de son uniforme
d’apparat. L’image tragico-comique de ce dictateur déchu
cherchant à apitoyer son peuple et ses juges m’a
immédiatement frappé, et l’idée d’écrire une pièce sur un tel
sujet a alors germé. Concernant mon écriture, je me suis
d’abord rappelé les cours que j’avais suivis lorsque j’étais
étudiant en droit et science politique, cours qui disséquaient
les mécanismes du pouvoir. Ensuite, je me suis inspiré des
informations dont nous disposons sur les multiples dictatures
et la façon qu’ont les despotes d’exercer le pouvoir. Pour faire
de « Désordres » une pièce universelle, j’ai volontairement
évité toute référence géographique et temporelle. L’action
peut se dérouler de nos jours ou dans le passé, voire même
dans le futur, le monde nous prouvant chaque jour que les
dictatures ont encore de beaux jours devant elles… !
OB/ Peux-tu expliquer ton choix de ce huis clos et surtout de ce
personnage inattendu confronté au dictateur ?
Le huis clos participe lui aussi de ma volonté d’universalité :
le lieu unique où se déroule la pièce est une cellule de prison
qui, dans mon esprit, représente le monde entier. Et les deux
personnages sont eux-mêmes symboliques : le dictateur
représentant le pouvoir, les Puissants, et le pillard, le peuple,
les Faibles. « Désordres » est ainsi construite comme une fable
sur le pouvoir et l’attirance qu’il suscite chez les hommes,
mettant en scène deux personnages emblématiques et
proposant une morale à la fin… que nous n’allons pas révéler
ici
OB/ Comment vous êtes-vous rencontrés avec le metteur en
scène Mouss Zouheyri aussi le disciple du regretté Michel
Bouquet ? Comment avez-vous travaillé ?
Nous nous sommes rencontrés par hasard, au dernier festival
d’Avignon. Lors de notre rencontre, je lui ai parlé de mon
travail et lui ai proposé de lire « Désordres ». Son avis
m’intéressait beaucoup du fait de son expérience. Lorsque
Mouss a accepté de la mettre en scène, nous avons discuté
ensemble de sa perception du texte et de la façon dont il
envisageait le mettre en scène. Et il s’est trouvé que ses
intentions correspondaient parfaitement à mes intentions
d’écriture. Je lui ai ainsi naturellement laissé toute liberté dans
son travail de mise en scène. Et lorsque j’assiste aujourd’hui
aux représentations, je ne peux que m’en féliciter !
OB/ Quel est le retour du public ? L'impact de la pièce ?
Le public réagit très bien à la pièce et souligne fréquemment
combien elle est d’actualité. J’ai alors envie de leur répondre
qu’elle est d’actualité depuis la nuit des temps et risque
malheureusement de l’être pour longtemps encore… mais je
n’en fais rien.
OB/ Quel est le message s'il existe ? Quel serait le tien comme
citoyen ?
Il y a plusieurs axes de compréhension de la pièce et
celui qui m’a tout d’abord guidé est celui qui est aussi
développé dans un de mes films préférés, « L’argent de la
vieille » de Luigi Comencini : les Puissants resteront toujours
les Puissants.
OB/ Désordres nous interpelle à plus d'un titre, qu'en penses-tu ?
Lorsque je discute avec des spectateurs après les
représentations, je m’aperçois en effet qu’ils ont des
perceptions différentes de la pièce, des personnages et de leurs
motivations. J’en suis ravi car cela montre que « Désordres »
est une pièce qui donne à réfléchir. C’est exactement
l’ambition que j’avais en écrivant ce face à face entre ces deux
protagonistes que je voulais complexes, et qui tendent au
public un miroir dans lequel ils peuvent se retrouver.
OB/ Ton actualité ?
Pour le moment, assister aux dernières représentations de
« Désordres » et après…
OB/ Merci pour cette interview et belle route pour ta pièce Désordres que nous avons beaucoup aimée.
Propos recueillis par Safia Bouadan
Teaser de la pièce Désordres d'Eric Wiener, mise en scène par Mouss Zouhayri